Comment concilier logement et sobriété ?

17 mai 2023

Alors que le logement conditionne une part importante de notre empreinte carbone, certaines pistes sont à explorer pour tenter de concilier confort et sobriété.

À lui seul, le logement représente 1,9 tonne de CO2 par personne et par an, d’après le cabinet de conseil Carbone 4. À titre de comparaison, c’est l’objectif que nous devrions viser en 2050 pour maintenir le réchauffement climatique sous les +1,5°C à la fin du siècle, et ainsi respecter l’Accord de Paris sur le climat. C’est donc un poids considérable sur lequel il faudra agir pour pouvoir adopter des modes de vie plus soutenables sur le plan énergétique ou foncier.

L’habitat individuel, un modèle à revoir

En 2022, l’habitat individuel représentait 55% des logements en France – pareil qu’en 1982. S’il est le plus répandu, le modèle est a priori également le plus néfaste pour la planète (notre article). Toutes choses égales par ailleurs, la maison individuelle est plus énergivore qu’un habitat collectif puisqu’elle entraîne des déperditions de chaleur par rapport à des logements collés qui se chauffent les uns les autres. L’habitat individuel génère une forte artificialisation des sols, c’est-à-dire une conversion de l’usage de terres naturelles pour les exploiter pour des activités humaines. Enfin, le logement individuel s’accompagne généralement d’un mode de vie plus dépendant de la voiture – davantage que dans les zones d’habitat plus dense où les mobilités décarbonées sont mieux développées.

«Le modèle à l’ancienne du pavillon avec jardin dont on peut faire le tour n’est plus soutenable et nous mène à une impasse», a même reconnu Emmanuelle Wargon, alors ministre du logement, lors de la conclusion d’une concertation citoyenne sur «Habiter la France de demain» en 2021. Pourtant, l’idéal de la maison individuelle est encore partagé par près de huit Français·es sur dix (79%). Cette proportion ne varie depuis plusieurs décennies, d’après un sondage réalisé par l’institut Kantar pour La Fabrique de la cité, un think tank spécialisé dans la prospective urbaine, financé par Vinci.

Des pistes pour un habitat plus sobre

La rénovation énergétique est un maillon indispensable de la sobriété de nos logements : elle vise à limiter les déperditions d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, soulageant ainsi la planète et le porte-monnaie (notre mode d’emploi). Réduire la taille des jardins individuels pourrait aussi favoriser la sobriété foncière. C’est d’ailleurs le sens de la démarche Bimby («Build in my backyard») qui, comme son nom l’indique, consiste à construire un nouveau logement dans le jardin d’une maison existante, pour éviter l’artificialisation de nouvelles parcelles. Plusieurs expérimentations auraient été restées «avec un relatif succès» dans le Périgord, les Vosges ou la Nièvre, d’après le think tank.

Plus globalement, il est possible de repenser les formes d’habitats pour concilier les désirs des citoyen·es avec les exigences de sobriété. «De nombreuses initiatives architecturales sont envisageables pour dépasser l’opposition entre logement individuel et collectif. On peut parler d’habitat individuel groupé, de copropriété horizontale, ou d’autres choses», détaille Vincent Le Rouzic, docteur en urbanisme et en économie et directeur des études de la Fabrique de la cité. «Il faut réussir à générer un sentiment d’appropriation individuelle d’un espace tout en étant inséré dans un type d’habitat collectif avec une certaine densité.»

L’étude de la Fabrique de la cité met au jour différents leviers qui aideraient à rendre acceptables des formes de logement plus collectives et plus sobres : des habitats conçus pour ne pas être gêné·es par le voisinage, notamment à travers une bonne isolation phonique (pour 32% des répondant·es), l’accès à un espace extérieur privatif – même petit – (24%), ou encore la possibilité de faire des économies d’énergie (19%).

Vincent Le Rouzic évoque l’exemple d’un quartier d’Helsinki, composé de maisons individuelles mitoyennes conçues durablement, avec des petites parcelles extérieures privatives mais aussi de plus larges espaces verts partagés. «Ces conditions rendent ce type d’habitat urbain dense acceptable, et j’ai la faiblesse de croire que si c’est acceptable pour les Finlandais, pourquoi est-ce que ça ne le serait pas pour les Français ?», s’interroge l’urbaniste, pour qui il faut apprendre à vendre un nouvel idéal d’habitat.

Construire de nouveaux habitats sobres ou privilégier le parc foncier existant ?

Au 1er janvier 2022, 3,1 millions de logements étaient vacants en France. Ne suffit-il pas alors de compter sur les habitats déjà sur pied afin de limiter les nouvelles constructions ? «Il faut activer ces deux leviers, au cas par cas. Dans certains territoires en forte tension immobilière, comme dans les métropoles ou les zones touristiques, réinvestir l’existant ne suffira pas car les besoins en logement sont très forts», pointe l’expert. «Sans oublier que des générations d’habitat sont aujourd’hui complètement obsolètes, et que, dans certains cas, la démolition-reconstruction peut-être plus performante à long terme sur le plan de la sobriété énergétique que la restructuration totale des logements.»

Pas de modèle parfait

La recette miracle pour un logement sobre n’existe pas, et les solutions dépendent des multiples configurations (territoires urbains, péri-urbains ou ruraux, état du foncier pré-existant, demandes en logement, etc). «Il n’y a pas de “one best way” [«la meilleure solution»], il y a un certain nombre de points d’attention autour de la sobriété foncière des constructions, sur l’adéquation entre la taille des logements et la typologie des ménages, sur la sobriété des matériaux de construction ou encore notre rapport au collectif et au partage d’espaces», conclut Vincent Le Rouzic. «C’est avant tout un vrai débat de société qu’il faut ouvrir.»

Source - VERT : Le Média qui annonce la couleur par Justine PRADOS


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