L'interdiction de location des passoires thermiques commence maintenant

9 janvier 2023

A compter de 2023, les maisons et les appartements les plus gourmands en énergie ne peuvent plus être remis sur le marché locatif. Objectif : inciter les propriétaires à rénover.

C'est une étape symbolique dans le grand chantier de la rénovation énergétique. Depuis le 1er janvier, les propriétaires des pires passoires thermiques de l'Hexagone et de la Corse n'ont plus le droit de remettre en location leur maison ou leur appartement, qui ne répond plus aux critères légaux de décence. Cette interdiction, qui vise à améliorer le confort des locataires et à réduire la consommation énergétique des logements, sera étendue à une partie de plus en plus large du parc locatif dans les prochaines années. Que vous soyez bailleur ou locataire, voici ce qu'il faut savoir de cette réforme.

Quels sont les logements concernés ?

Les logements visés par la nouvelle interdiction sont ceux qui réclament un effort extrême de chauffage. Ils représentent à peine 2% de l'ensemble des habitations : la France comptait ainsi 712 000 "superpassoires" début 2022, dont 511 000 résidences principales, 120 000 résidences secondaires et 81 000 logements vacants, selon une estimation de l'Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) (PDF). Les nouvelles règles visent notamment les locations. Dans le détail, 140 000 se trouvent dans le parc locatif privé (soit 1,8% de l'ensemble de ce parc) et 51 000 dans le parc locatif social (1%).

Pour savoir si votre logement fait partie du lot, sortez de vos tiroirs votre grosse pochette "immobilier", en quête du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui a dû vous être remis à l'achat ou à la location. Une information à garder en tête : le décret qui détermine les nouvelles règles vise toutes les habitations de France métropolitaine dont la consommation "exprimée en énergie finale" est supérieure ou égale à 450 kWh/m2/an.

Tous les logements classés G entrent dans le cadre de la nouvelle interdiction, sauf une partie de ceux équipés d'un système de chauffage électrique. Dans ce cas, ne vous fiez pas au chiffre qui figure à côté de la classe énergétique du logement : cette donnée est exprimée en énergie primaire (kWhEP/m2/an), et non en énergie finale (kWhEF/m2/an), deux chiffres différents uniquement dans le cas de l'électrique. Allez chercher dans votre DPE la consommation annuelle en énergie finale et divisez ce total par le nombre de mètres carré de votre logement.

Une fois ce calcul effectué, il y a de fortes chances que vous passiez sous la barre des 450 kWhEF/m2/an et donc que vous ne soyez pas concerné par l'interdiction. Selon l'ONRE, seulement 0,1% des logements chauffés à l'électrique rentrent dans le champ des "superpassoires".

L'interdiction s'applique-t-elle aux locations en cours ?

Les nouvelles règles concernent avant tout les contrats de location signés à partir de 2023. Un bailleur qui possède un logement extrêmement énergivore est désormais tenu de réaliser des travaux avant de pouvoir y installer un nouveau locataire. Il ne pourra remettre son bien sur le marché qu'après avoir fait réaliser un DPE attestant que sa consommation énergétique est inférieure à 450 kWhEF/m2/an.

Les locataires déjà en place, eux, ne vont pas voir leur situation changer subitement. Du fait de la non-rétroactivité de la loi, les contrats en cours continuent de s'appliquer. Pour autant, les occupants de "superpassoires" pourront se saisir d'une opportunité à court ou moyen terme : les nouvelles règles concerneront leur logement à compter de la reconduction ou du renouvellement de leur bail (tous les ans en meublé, tous les trois ou six ans en non-meublé). "Une reconduction tacite et un renouvellement ont valeur de nouveau contrat", explique Louis du Merle, directeur juridique de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil). Dès cette échéance, les locataires concernés pourront exiger de leur bailleur des travaux de mise aux nouvelles normes de décence énergétique.


A quelles sanctions s'exposent les contrevenants ?

Si un bailleur contourne la loi, son locataire est en droit de saisir la justice. Un juge peut alors imposer la réalisation de travaux aux frais du bailleur et dans un délai déterminé, comme le prévoit la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs. Dans l'attente de l'exécution de ces travaux, il peut décider de réduire le montant du loyer, voire suspendre son paiement par le locataire. Le bailleur peut également être condamné à verser des dommages et intérêts au locataire, selon le site officiel service-public.fr.

Avant de faire appel à la justice, le locataire peut saisir la commission départementale de conciliation des litiges locatifs, en vue d'un règlement à l'amiable. Autre levier d'action potentiel, pour les ménages bénéficiant d'aides au logement : ils peuvent alerter leur caisse d'allocations familiales. "Si la CAF constate une indécence du logement, elle peut parfois retenir le versement de l'aide au propriétaire, ce qui peut constituer un moyen de pression pour réaliser des travaux", avance Gwenaëlle Le Jeune, juriste de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir, sur le fondement de l'article L843-1 du Code de la construction et de l'habitation.


Des dérogations sont-elles prévues ?

Dans certains cas, des bailleurs de bonne volonté peuvent se retrouver confrontés à des obstacles les empêchant de descendre leur "superpassoire" sous la barre des 450 kWhEF/m2/an. Une exception a ainsi été introduite dans la loi du 6 juillet 1989 : un bailleur d'un appartement situé dans une copropriété ne peut pas se voir contraint par un juge de mettre son logement aux normes si l'amélioration de la note énergétique de son bien dépend de travaux relevant des parties communes et si le reste de la copropriété bloque de tels travaux.

Une seconde exception entrera en vigueur en 2025. Elle permettra cette fois d'échapper à une obligation de travaux si un chantier a déjà été mené et si "des contraintes architecturales ou patrimoniales" empêchent de réaliser les gestes supplémentaires permettant d'atteindre un niveau de consommation énergétique conforme aux critères de décence. Cela pourrait notamment concerner les habitations dans les quartiers historiques protégés.

Aucune de ces deux dérogations ne prive les juges de la possibilité de réduire ou de suspendre le loyer versé au bailleur d'un logement indécent. Cette disposition permet au locataire de pouvoir bénéficier d'une forme de compensation liée aux mauvaises performances du bien.


Les autres passoires thermiques seront-elles bientôt concernées ?

A compter du 1er janvier 2025, l'ensemble des logements classés G (et non seulement ceux dépassant 450 kWhEF/m2/an) seront à leur tour considérés indécents au regard de la loi en France métropolitaine. Il ne sera plus possible de les remettre en location, ni de les laisser en l'état à partir du renouvellement ou de la reconduction du bail. Les habitations notées G représentent actuellement 7% du parc des résidences principales, selon l'ONRE.

Le 1er janvier 2028, les logements classés F seront également soumis à ce régime. Le 1er janvier 2034, viendra le tour des logements classés E, qui, bien que rarement assimilés à des "passoires", sont jugés "peu performants" en matière d'énergie ou d'émissions de gaz à effet de serre. D'où l'intérêt, pour les bailleurs qui le peuvent, de réaliser des travaux leur permettant d'atteindre avant 2034 les classes A, B, C ou D.

Le calendrier pour les départements d'outre-mer est plus tardif. L'interdiction de mise en location des logements G n'interviendra qu'à compter du 1er janvier 2028 en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, et celles des logements F le 1er janvier 2034. Aucune échéance n'est fixée à ce stade pour les habitations classées E. Par ailleurs, aucune mesure préalable ciblant uniquement les "superpassoires" à plus de 450 kWhEF/m2/an n'est prévue.

Source France infos - Yann Thompson - France télévision








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