La maison autonome devient réalité

24 janvier 2023

Le mythe de la cabane dans les bois a fait long feu. Les maisons passives, positives et autres habitats insolites dépoussièrent l'image du bâtiment autosuffisant. Connectée, écologique, mais surtout organisée en éco-lieux où le collectif prévaut sur l'individuel : la maison autonome a de l'avenir, sous de nouvelles formes qui restent encore à définir.

En 2021, le groupe de musique pop-rock Feu ! Chatterton chantait Un monde nouveau, où tout était à reconstruire. Cette ode au minimalisme et à la réflexion écologique résonne particulièrement en pleine crise énergétique, où l'appel à la sobriété nous oblige à repenser nos modes de vie. Certains y travaillent depuis des décennies, se lançant dans l'aventure de l'habitat autosuffisant dès les années 2000. « À cette époque, parler de la fin de l'abondance était un discours inaudible alors qu'aujourd'hui, avec les pénuries d'énergie à venir et la raréfaction des ressources naturelles, même les représentants du néolibéralisme se mettent à l'évoquer ! » constatent Rémi et Bénédicte Richard, propriétaires d'un éco-lieu situé dans le Cantal et fondateurs du site Internet Nos pieds sur Terre qui distille conseils, stages et formations à l'habitat résilient.

Aujourd'hui micro-niche, la maison autonome est un marché en devenir. « Avec la flambée des coûts de l'énergie, il est évident que les modèles d'autoproduction vont se développer », confirme Olivier Colcombet, PDG de Digit RE , convaincu par ailleurs que le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) et la réglementation sur les passoires thermiques (l'impossibilité de louer les logements classés G à partir de 2025 et F en 2028) joueront un rôle d' accélérateur de l'immobilier « vert » .

Un bémol : son prix, qui reste un frein majeur au développement du marché. « Le surcoût d'une maison passive oscille, en moyenne, entre 20 % et 30 % comparé à une construction neuve traditionnelle. Surtout, il faudra attendre de nombreuses années, voire des dizaines, pour rentabiliser cet investissement, quand on sait qu'un ménage, en moyenne, déménage tous les sept ans », concède Romain Solenne, fondateur de la plate-forme immobilière Promy. Le manque d'offres n'encourage pas, non plus, la démocratisation du modèle. Si de nombreux promoteurs font de l'habitat écologique une vitrine ou un laboratoire d'innovations, très peu de maisons autonomes (moins de 3 %) sont commercialisées chaque année. Mais la demande est là et une nouvelle génération d'architectes, très concernée par l'écologie, s'est emparée du sujet.

Maisons passives ou positives

La maison passive, dont la consommation énergétique est inférieure à 15 kWh/m2/an et qui ne nécessite, par conséquent, aucun système de chauffage hormis un appareil d'appoint, est devenue un must de l'habitat écologique. Créé en 1991 par un institut constitué d'ingénieurs allemands, le concept de « passivhaus » repose sur une isolation, une étanchéité et une herméticité renforcées, ainsi que sur un renouvellement de l'air grâce à un système de VMC double flux. À ce jour, quelque 300.000 m2 de bâtiments, pour deux tiers d'habitats individuels, sont certifiés passifs en France.

« Les maisons passives sont très agréables à vivre. Elles délivrent une température constante et homogène, sans surchauffe estivale ni zone froide, et assurent une excellente qualité de l'air intérieur », explique Ivan Baudouin, directeur général de Positive Home. Le constructeur francilien travaille sur tous les leviers de l'autonomie de ses logements en privilégiant les techniques « low tech ». « Pour les projets axés sur l'économie d'eau, nous installons des cuves de récupération d'eau de pluie, des toilettes sèches et des systèmes d'assainissement des eaux usées. Pour ceux qui visent la performance énergétique, nous travaillons sur le triptyque étanchéité à l'air, isolation et protection solaire, afin de réduire les besoins. Différentes solutions techniques peuvent ensuite être mises en place, telles que les puits canadiens, les chauffe-eau solaires et thermodynamiques, ou encore les rafraîchisseurs adiabatiques », décrit-il.

Pour que la maison passive devienne positive, c'est-à-dire capable de produire une énergie supérieure à celle consommée, il faudra y ajouter des panneaux solaires (environ 200 euros l'unité), ou une éolienne à proximité de l'habitation. Longtemps marginales, ces énergies renouvelables séduisent de plus en plus de particuliers qui redoutent la levée du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité.


Ecolodges et nids douillets

Car si les Français aspirent à réduire leur consommation énergétique, peu d'entre eux se disent prêts à sacrifier leur mode de vie à l'éco-frugalité. Une logique d'écologie désirable prônée par Manuel et Elodie, deux ex-cadres supérieurs qui ont quitté la région parisienne pour créer une maison d'hôtes près de Nîmes. « Notre projet immobilier incluait à la fois un lieu d'habitation en phase avec nos convictions et un outil de travail écoresponsable », raconte le propriétaire des lieux. Lancé en 2016, Bien Loin d'ici compte trois lodges de 30 m2 équipés de terrasses, jacuzzi, sauna/hammam et enceintes Bluetooth : des prestations de luxe, en pleine garrigue nîmoise, au sein d'une zone naturelle protégée. L'écolodge est entouré d'un jardin méditerranéen sec et dispose de plantes endémiques servant à la phytoépuration. « Nous voulions proposer un hébergement haut de gamme s'intégrant harmonieusement dans son environnement naturel et avec une empreinte carbone la plus réduite possible », indique Manuel.

Pour réaliser son concept, l'entrepreneur a fait appel à l'entreprise PopUp House, spécialisée dans les maisons passives préconstruites en atelier et assemblées sur leur site de destination , qui commercialise, à partir de 2.500 euros le mètre carré, des modèles en ossature bois, pensés comme des « cocons » chaleureux. « Avec leurs 2,70 mètres de hauteur sous plafond, leurs grandes baies vitrées et leur odeur de bois, nos maisons privilégient le bien-être et le confort de leurs propriétaires », décrit Pauline Godard, chargée de projets chez PopUp House.

Depuis des années, Célie, 37 ans, rêvait de s'offrir l'un de ces cubes à l'architecture atypique. Poussés par des motivations économiques autant qu'écologiques, elle et son mari ont revendu la maison qu'ils rénovaient depuis des années à grands frais, pour acheter une PopUp neuve et clés en main… Livrée en seulement huit mois. Son plus grand bonheur ? Vivre toute l'année à 21 °C, même pendant les vagues de froid intense, grâce à l'isolation en fibre de bois et à l'apport en énergie produit par la quinzaine de panneaux solaires installés sur le toit de leur maison. Quand l'ensoleillement n'est pas suffisant, le foyer bascule sur le contrat heures pleines/heures creuses signé avec leur fournisseur d'énergie. « Pour nous qui sommes frileux, ce sont des conditions idéales ! Dans notre précédente maison, même en chauffant en permanence, avec la cheminée allumée, nous n'atteignions pas les 20 °C », se réjouit cette mère de trois enfants qui ne débourse plus que 80 euros par mois en facture d'électricité, pour une superficie de près de 180 m2.

Néoautonomes 2.0

La domotique se révèle un adjuvant à l'autonomie. Très appréciées par les écolos technophiles, les solutions logicielles qui rendent la maison intelligente contrarient le mythe de la cabane au fond des bois mais facilitent le quotidien des utilisateurs. Eclairage, volets roulants, chauffage, ventilation, orientation des panneaux solaires ou fonctionnement de l'électroménager : toutes les fonctionnalités d'une maison peuvent être automatisées et pilotées à distance, en tenant compte de l'occupation des lieux, des températures extérieures et des conditions météorologiques. « La technologie rend possible l'autonomie à 100 % d'une maison en donnant, aux propriétaires, des outils pour gérer l'ensemble de leurs sources d'énergie et adapter leur consommation à leurs habitudes de vie », indique Lionel Ahouandjinou, coach acquisition partner chez Loxone, expert en domotique et programmation pour « smart home ».

Grâce à une interface de gestion simplifiée - le système se pilote seul : il suffit d'appuyer sur un interrupteur pour l'enclencher -, Mickaël Pallares-Morel et sa famille (cinq personnes au total) ont ainsi atteint 93 % d'autoconsommation dans leur maison savoyarde, perchée à 850 mètres d'altitude. « Malgré la rudesse du climat et sans chauffage, nous avons réussi à faire pousser un ananas Victoria dans notre salon ! » se réjouit le propriétaire. Celui-ci n'exclut pas le scénario de l'autonomie totale qu'il pratique de façon intermittente lors des coupures d'électricité, fréquentes dans ces régions de haute montagne.


Vaincre l'éco-anxiété

L'habitat autonome répond pourtant souvent à un idéal de vie antimatérialiste. C'est la direction prise par Brian Ejarque, fondateur de la chaîne YouTube L'Archi'Pelle qui diffuse des contenus sur l'autonomie. « Je voulais montrer au public ce qui était réalisable ou pas pour réduire sa consommation et entrer dans une logique de résilience », détaille le vidéaste qui compte à son actif plus de 150 reportages. Ce Parisien d'origine, né dans les années 1980, a adopté un changement de vie radical en 2017. « Être propriétaire d'un appartement de 20 m2, que j'aurais terminé de payer à 47 ans, ne me faisait plus rêver. J'ai rejoint le Tarn où j'ai acheté, pour 40.000 euros, à quinze minutes de Castres, un cabanon de 25 m2, entouré de 3.000 mètres carrés de terrain », témoigne-t-il.

Son objectif : résister aux chocs sociétaux, énergétiques et financiers en devenant le plus indépendant possible. Ainsi, il utilise des toilettes sèches, une chaudière à bois pour se chauffer et se nourrir, boit de l'eau de pluie filtrée et dispose d'une petite éolienne et d'un kit de panneaux solaires. Pour mener ses activités sur Internet, il a acheté deux cartes SIM dont il jumelle les connexions afin d'accroître son débit. « On n'invente rien à vivre hors réseau : nos anciens le faisaient avant nous. C'est une vie plus complexe, où l'on a parfois froid le matin au réveil, mais moins stressante et dépourvue d'éco-anxiété », plaide Brian Ejarque.

La hausse des prix de la construction conduit les candidats à l'achat découragés à se tourner vers des solutions alternatives. L'habitat léger en fait partie. Avec leur rondeur sympathique, les yourtes, notamment, attirent les publics âgés de 25 à 40 ans, dotés de fortes convictions écologiques. « Pour un budget de 100.000 euros, ils peuvent s'offrir une très belle yourte avec du terrain et conserver leurs économies pour d'autres projets », précise Nicolas Chailloux, fondateur de Yourteco. Implantée dans le Maine-et-Loire, l'entreprise officie depuis 2015, mais le rêve de vivre dans une yourte remonte à l'enfance de son créateur.

« Les yourtes françaises s'inspirent des habitats mongols utilisés par les nomades, mais ont été adaptées au climat européen et à la sédentarité des utilisateurs. Faites de bois et de toile, elles sont très bien isolées, chauffées au poêle et bénéficient d'un système de ventilation manuelle ou mécanique », pointe-t-il. Pour apporter de la clarté à l'intérieur, une coupole vitrée ouvrante sert de puits de lumière et les murs ont été rehaussés à 2,30 mètres de hauteur dans le but d'améliorer l'habitabilité de la tente. Les modèles standards font une superficie d'une soixantaine de mètres carrés avec mezzanine et sont équipés de trois à quatre chambres, d'une cuisine, salle de bains et toilettes. Ils peuvent être autosuffisants à condition d'y adjoindre un module dédié à l'autonomie. Cerise sur le gâteau, les prochaines réalisations répondront aux normes RE2020 .

Autrefois victime de son image de « zadiste », le concept convainc désormais jusqu'aux collectivités locales. «Les demandes de permis de construire reçoivent de plus en plus d'avis favorables et le Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) intègre, depuis 2020, la possibilité d'installer un habitat léger dans les communes », salue Nicolas Chailloux. Signe que les mentalités évoluent.


Microhabitat, maxi-sobriété

Nées aux Etats-Unis après la crise des subprimes et l'ouragan Katrina, les « tiny houses » (mini-maisons) ont également pénétré sur le marché français à partir de 2011, avec une vocation environnementale marquée. D'une superficie de 13 à 20 m2, ces microhabitats, mobiles (quand ils sont montés sur remorque) ou fixes (sur pilotis), s'inscrivent dans une démarche de sobriété et de décroissance. « Face à la raréfaction des ressources, nous serons tous amenés à faire des choix et à apprendre à vivre avec moins », observe Christian La Grange, architecte d'intérieur. Défenseur de la simplicité volontaire, il est persuadé que « la fin de l'abondance rimera avec modération heureuse ».

Faciles à chauffer, à construire et à entretenir, les tiny houses obligent leurs propriétaires à réduire drastiquement leur consommation. Grands lecteurs, musiciens, fashionistas et collectionneurs s'abstenir. « Il a fallu expliquer à un client qu'il ne pourrait pas emporter son piano à queue dans sa tiny house… C'est difficile, quand on ne l'a pas vécu, de se projeter dans 20 m2. Même si les espaces sont optimisés et aménagés pour couvrir l'essentiel de nos besoins quotidiens, il n'y a pas de stockage et la place reste très limitée », admet Lucie Jolivot, responsable du site Internet et des projets de Ma Petite Maison. L'entreprise qui accompagne ses clients dans leur projet de microhabitat a connu une explosion des demandes depuis trois ans. Le prix d'appel de ces habitats (25.000 euros en autoconstruction et 50.000 euros pour un projet monté) intéresse les primo-accédants… jusqu'à ce que la naissance d'un premier enfant les pousse à emménager dans des logements plus spacieux.

L'éco-activiste et conférencière Fanny Moritz a, de son côté, fait le choix du nomadisme. Après huit années de vie citadine à Hong Kong, elle a décidé de réduire son empreinte carbone et de construire sa propre tiny house roulante. Un chantier sur lequel elle travaille depuis 2021 et qui lui permettra, moyennant un budget de 56.000 euros, de vivre en totale autonomie. « J'ai opté pour des matériaux recyclés et issus de l'économie circulaire, comme le métisse, un isolant issu des fibres de jeans transformés », relate-t-elle. Outre ses qualités environnementales, ce matériau a la vertu d'être léger, adapté à la maison roulante qui ne doit pas peser plus de 3,5 tonnes. Une fois les travaux achevés, Fanny Moritz prévoit d'organiser un « slow tiny tour » : un périple de deux ans, dans les principales régions de France, pour exposer son mode de vie au grand public.

« Je souhaite convoquer un maximum d'élus pour leur faire visiter ma tiny house et les aider, de cette façon, à accepter plus facilement l'installation de ce type d'habitats sur leurs terrains », annonce-t-elle. En Seine-et-Marne, Guillaume et Diane participent aussi à démocratiser le modèle en louant via Airbnb leur tiny house, située en pleine campagne. « Nous voulions permettre à nos visiteurs d'expérimenter, le temps d'un week-end ou d'une semaine, la vie dans un microhabitat. Nombre d'entre eux nous appellent après leur séjour pour recueillir un maximum d'informations et envisagent un projet d'habitation », dit Diane. Depuis l'ouverture à la location en juin 2022, le taux d'occupation s'est élevé à 80 %. Le couple a démarché les offices de tourisme pour installer cinq à dix nouvelles micromaisons en Ile-de-France.


L'autonomie érigée en art de vivre

Une chose est sûre, la recherche d'autonomie ne se résume pas à l'habitat mais relève d'une pensée globale, parfois politique, proche de la collapsologie. Engagés contre le nucléaire et voulant vivre, dormir et se nourrir sans puiser à outrance dans les ressources naturelles, Patrick et Brigitte Baronnet ont consacré quarante années à bâtir leur lieu de vie. Le couple a racheté une ancienne maison en 1973 qu'ils ont entièrement retapée, agrandie et rendue autonome. « Notre réflexion est à la fois holistique et synthétique, intégrant tous les pans de notre vie de façon cohérente. Nous avons réduit notre consommation en eau, chauffage et électricité mais également fondé l'une des premières coopératives bios de France », explicite Patrick Baronnet qui se revendique « autonome mais solidaire ».

Sans réfrigérateur, la famille concentre son alimentation sur les produits de son jardin, à l'exception du poisson. « L'autonomie est un art de vivre », souligne le septuagénaire qui a travaillé à mi-temps pendant quinze ans, avant de prendre sa retraite, pour se consacrer à leur écosystème. « À partir du moment où vous produisez au maximum de vos besoins, vous n'avez plus besoin de gagner autant d'argent », soutient-il. Le couple organise régulièrement des stages de découverte sur les différentes méthodes d'autoconstruction. « Les gens ne savent plus être autonomes dans leur maison et dépendent des professionnels pour la moindre réparation. Maîtriser les savoir-faire autour de son habitat signifie prendre sa vie en main et être libre », estime Patrick Baronnet.

La tentation de l'autarcie

À la ferme biologique du Bec-Hellouin (Eure), Charles Hervé-Gruyer a fait de la résilience une véritable quête. Ce qui était au départ un projet de vie commun est devenu, après son divorce, son aventure personnelle. Sa chaumière est chauffée par une cuisinière à bois, qui sert aussi à cuisiner. Il coupe ses stères dans la forêt avoisinante avec des outils manuels qui n'utilisent pas de pétrole (haches, scies japonaises). « Je prends du plaisir à vivre dans ces conditions. C'est très agréable de se livrer à des exercices physiques, en pleine nature », affirme le propriétaire. Valorisant les métiers traditionnels, il favorise les ustensiles en bois, travaille l'artisanat, la poterie, la teinturerie et la vannerie. Les téléphones portables et les ordinateurs sont chargés grâce à des panneaux solaires. Un puits a été creusé pour assurer l'autonomie en eau de la ferme, en cas de besoin, et le labour des terres est effectué par un cheval de trait. Les serres sont irriguées par des pompes solaires.

« Nous avons toutes les roues de secours pour le jour où le système dominant s'effondrerait », assure Charles Hervé-Gruyer qui vient de lancer un programme de recherche sur le blé jardiné sans outil motorisé. Cet autodidacte, qui a appris sur le tas l'agriculture et le maraîchage, cultive 600 variétés de fruits, de légumes et plantes sauvages. Il possède également une basse-cour, un élevage de 50 moutons, des ânes et des ruches. « De plus en plus de gens aspirent à se reconnecter avec la nature et à vivre de la terre », considère-t-il. À travers une série de guides pratiques, il donne aux novices les clés de l'autoproduction et propose des formations en ligne à la création et la gestion de microfermes.

La permaculture (l'agriculture durable) est l'un des éléments constitutifs de l'autonomie, qui vient fermer la boucle d'un système vertueux (l'habitat produit de l'énergie, fertilise les sols grâce au compost, récupère l'eau pour irriguer les plantations, etc.). « La culture de la permanence s'inspire de l'intelligence de la nature et du vivant pour régénérer ce qui a été détruit », commente Kevin Simon, photographe et expert en agroforesterie. Il a découvert la permaculture à l'occasion d'un stage de fin d'études en Asie du Sud-est, au cours duquel il a réalisé un long métrage sur la déforestation de la jungle cambodgienne. En 2019, il s'est lancé dans un tour de France à vélo, le Permacooltour, et a parcouru pendant trois ans plus de 5.000 km à la rencontre des éco-lieux.

Adepte de l'habitat léger et nomade (éco-dômes, yourtes, tiny houses), il aime vivre au rythme des saisons et déménage tous les deux ans. En 2022, il a rejoint Les Alvéoles, un bureau d'études en agroécologie implanté dans la Drôme, qui travaille à régénérer les paysages en créant des forêts comestibles et à restaurer les nappes phréatiques. Le groupe est à la recherche d'un terrain pour construire un habitat groupé, zéro déchet, passif et autonome, en appliquant des méthodes de construction ancestrales (enduits à la chaux), à l'aide de matériaux naturels (chanvre, paille, bois, terre crue, briques…). Conscient de la force du collectif, Kevin Simon ne croit pas au mythe « du jardinier, seul dans son hamac », mais aux chantiers participatifs qui mobilisent la solidarité et l'engagement de tous. Selon lui, pour qu'elle soit pérenne, l'autonomie « ne doit pas conduire à l'autarcie mais reposer, au contraire, sur la régénération des liens sociaux et humains ».


Ecovillages, une aventure collective

Depuis la crise sanitaire, des centaines d'éco-lieux ont ainsi vu le jour, organisés en villages autonomes. « Des gens ont eu envie de quitter la ville et de sortir d'une société construite sur l'accumulation des richesses pour vivre une nouvelle expérience sociale, au sein d'une communauté partageant des valeurs communes », fait valoir Clément Champault, cofondateur de JPC Events (salons Vivre autonome et Survival Expo). Sollicité par des promoteurs pour transformer un parc immobilier situé à une heure de Paris, en Seine-et-Marne, il a été l'initiateur du projet de l'Ecovillage de l'étang qui accueille une centaine d'habitations.

Les propriétaires détiennent une parcelle de trois à quatre hectares équipée d'un chalet autonome et bénéficient de nombreux services tels qu'un potager collectif, une production solaire, un droit de pêche, un verger, un poulailler, un système d'épuration des eaux usées et une conciergerie chargée des ressources communes. « Les éco-lieux sont la meilleure façon d'apprendre à vivre dans un habitat réduit et à partager avec les autres. Mais ils supposent beaucoup de tolérance », avoue Christian La Grange.

L'échange de services, le transfert de compétences et les systèmes d'entraide seraient donc les fondements d'une vie autonome. Sur le plan écologique, la mutualisation fait sens. « Au niveau d'un quartier, il est possible de mettre en place des mesures de sobriété énergétique efficaces bien moins coûteuses que pour un particulier, à travers l'installation d'une chaudière collective, la réduction de l'éclairage public ou l'utilisation de panneaux solaires sur les bâtiments tertiaires », insiste Gautier Villard, directeur de l'activité rénovation énergétique et solaire d'Hello Watt, membre des 20 French Tech Green.

Pour la famille Richard, il s'agit d'une philosophie de vie… qui fait boule de neige. « Pendant quinze ans, nous avons construit un éco-lieu capable de subvenir à 100 % à nos besoins familiaux. Ensuite, nous avons accueilli de nombreux woofers (des travailleurs bénévoles échangeant leurs services contre le gîte et le couvert) qui nous ont incités à ouvrir notre ferme aux familles aspirant à une vie plus sobre et proche de la nature », écrit Bénédicte Richard. La prochaine étape, pour ces écologistes de la première heure, est d'accroître la résilience des communautés de communes et diminuer leur impact carbone, par exemple, en plantant des haies nourricières ou en créant des potagers participatifs ou des composteurs. Faire en sorte que le mythe de l'autonomie devienne réalité, à l'échelle des territoires.

Source Les Echos - Par Eugenie Deloire
















En cliquant sur "J'accepte", vous autorisez l'utilisation de cookies afin de vous assurer une experience optimale sur ce site.

En savoir plus J'accepte